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Le carnet d’ascension au Mont Kenya par Etienne Coudret

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Ce carnet de voyage paru dans notre magazine BIVOUAQ retrace l’aventure d’Etienne Coudret lors de son ascension au Mont Kenya. Il nous raconte, jour par jour, son voyage.
Première fois au Kenya, première fois en Afrique et surtout, je l’espère, première fois aussi haut. L’inconnu me procure toujours cette petite sensation de stress bienvenue. L’altitude à atteindre, elle, m’inquiète quelque peu. Je suis jeune et sportif, mais une question m’obsède : comment mon corps va-t-il s’adapter à une hauteur si élevée ? Moi qui n’ai jamais dépassé les 2 900 mètres, je vais devoir grimper à quasiment 5 000 mètres. Le Mont Kenya se mérite, il se respecte. Et ce volcan endormi, vieux de trois millions d’années, ne s’attaque pas à la légère. Nous avons donc quatre jours pour nous adapter, quatre jours pour l’apprivoiser, quatre jours pour le dompter.
sommet-et-vue-du-mont-kenya

Jour 1 - La rencontre

Nous sommes quatre à prendre part à ce voyage. Corinne, Marcel et Jean-Pierre sont mes camarades de route. Pour nous accompagner, Rebeccah, guide francophone, et Peter, guide de montagne. C’est lui qui pendant l’ascension va nous dicter le rythme à suivre. Un seul mot d’ordre, martelé dès notre première rencontre : « on avancera polé polé  », « tranquillement » en swahili, la langue utilisée dans toute l’Afrique de l’Est. Notre aventure commence à notre lodge de départ, au pied du Mont Kenya. Peter nous explique les différentes étapes et comment se prémunir contre les effets de l’altitude sur notre corps. Nous sommes prêts à embarquer pour quatre heures de route, à l’exact opposé de notre point actuel.

Nous arrivons à Chogoria, ligne de départ de la voie éponyme, sur le versant est. Au programme du jour, sept kilomètres de marche à travers la forêt équatoriale et les premières zones de clairières. Malheureusement, nous n’en ferons que deux. Une énorme pluie s’étant invitée, notre chauffeur nous avance un peu plus loin avant de nous déposer. L’entraînement se transforme donc en simple échauffement jusqu’à notre premier refuge, des baraquements composés de chambres de trois. Nous sommes déjà à 3 000 mètres d’altitude pour notre premier repas au coin du feu. L’occasion de rencontrer une partie de l’équipe qui nous accompagnera. L’occasion, aussi, d’écouter la première des nombreuses histoires de Peter, un conteur exceptionnel qui nous narre les différentes histoires entourant la région. L’excitation monte !
groupe de randonneurs au Kenya

Jour 2 - Le vrai départ pour le Mont Kenya

À notre réveil, la brume qui nous entoure se dissipe rapidement. Le temps s’éclaircit, la journée s’annonce bonne. Avant notre départ, ce sont enfin les présentations officielles avec notre équipe et l’heure de la traditionnelle chanson « Karibu ! » (signifiant « bienvenue » ou « de rien »). Nous remplissons nos gourdes avec de l’eau bouillie et nous nous élançons pour sept vrais kilomètres de marche cette fois-ci, sur des routes larges qu’empruntent encore certaines voitures. 300 mètres de dénivelé positif nous attendent. La tâche n’est pas compliquée mais contrairement à la veille, chacun semble plus concentré.

Allure lente mais régulière, nous avançons au rythme des bâtons. Les arbres rétrécissent mais la végétation est toujours aussi importante. Chez nous, à cette altitude, la roche prend toute la place. Mais ici, il faudra marcher encore un peu avant d’évoluer sur des étendues volcaniques. Nous arrivons trois heures plus tard à Nithi Camp, premier de nos deux bivouacs. Nos porteurs, partis peu avant nous, ont déjà monté les tentes. Notre cuisinier, lui, a préparé le repas. Une bonne plâtrée de pâtes, un thé, une histoire de Peter et la digestion se fait à un kilomètre d’ici, aux chutes de Nithi. Au bout d’un chemin escarpé, l’énorme cascade nous offre un très beau spectacle. Le soir venu, c’est l’heure du brief de Peter pour le lendemain, puis de l’histoire du soir autour du feu de camp avant de passer notre première nuit sous la tente.
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Jour 3 - La barre des 4 000 mètres

Les heures passant, mon inquiétude de l’altitude s’estompe. Excepté une envie de dormir plus prononcée, mon corps réagit bien, pour le moment. Ni problème de souffle, ni vertige, ni mal de crâne. Mais le vrai test arrive pour ce troisième jour. Après une randonnée de sept kilomètres, le prochain bivouac est installé à 4 300 mètres d’altitude. Un grand soleil nous caresse les épaules. Une belle journée s’annonce et c’est confirmé… par les caméléons. Sur le Mont Kenya, ils sont minuscules, une dizaine de centimètres à peine.  Peter a l’œil vif et en repère un dès le début de notre randonnée. « Il est rare de les voir. Si on en trouve un, c’est synonyme de chance : on va passer une bonne journée ». Croyez-le ou non, ils portent réellement chance. Arrivés à 3 900 mètres d’altitude, nous avons une vue imprenable sur le sommet du Mont Kenya. Rebbecah nous avoue voir le sommet dégagé pour la première fois depuis qu’elle accompagne les voyageurs sur cette ascension. Sa première remonte à 2009 et depuis, elle en compte plus de 30 à son actif. 

Les 4 000 mètres approchent. Nous nous sentons tout petits et seuls au monde. La beauté du paysage provoque un sentiment de liberté exceptionnel alors que la végétation commence à se raréfier. Notre sentier de crête longe une falaise surplombant une énorme vallée. Nous rencontrons les habitants des lieux. Des petits oiseaux, mais aussi des damans. Si, à première vue, ces derniers ressemblent beaucoup à des marmottes, je suis étonné quand Rebeccah m’apprend qu’ils sont les cousins éloignés des éléphants ! Mais les véritables stars qui forcent l’admiration font partie de l’équipe qui nous accompagne : au camp Minto, à 4 300 mètres d’altitude, les tentes sont déjà montées, le thé est prêt. Le repos sera bien mérité après six heures de marche. Demain, départ prévu à 2h30, à la frontale. Direction la pointe Lenana, le sommet de notre aventure.
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Jour 4 - Le Graal au soleil levant

À peine trois kilomètres mais 800 mètres de dénivelé positif. L’avantage d’évoluer à la lueur des frontales, c’est de ne pas voir la pente et le sommet qui se dressent devant nous. Mais si l’esprit est plus apaisé, les jambes doivent supporter la montée. Le « polé polé » de Peter nous est bien utile. Après un début relativement plat, le sentier se relève. Nous faisons une petite pause avant de rentrer dans le dur. De quoi admirer un ciel noir, rempli d’étoiles. Rarement visible dans l’hémisphère sud, la Grande Ourse nous fait face. Sous nos pieds, le sol craque. La terre recouvre une pellicule de glace. Nous approchons des 5 000 mètres d’altitude. Il est cinq heures du matin et nous arrivons à notre dernière pause avant la montée finale : un point stratégique en cas de mal des montagnes avec ce carrefour entre le sommet et la descente. Heureusement, tout le monde est en grande forme et le groupe au complet continue droit devant. Les premières lueurs du jour commencent à poindre et notre objectif se rapproche. Le graal est au-dessus de notre tête, si proche

Après quatre jours d’ascension en toute humilité, la récompense est enfin là. Notre route depuis Chogoria nous apparaît, baignée d’un soleil levant aux teintes orangées.  Le spectacle est magnifique, émouvant.  Nous réalisons l’aventure que nous sommes en train de vivre. Nous nous félicitons. Et le plus fier d’entre nous, c’est sans doute Peter, très heureux de nous avoir amenés jusqu’ici. Nous sommes exactement à 4 985 mètres d’altitude. Nous partageons ce moment en petit comité, le Mont Kenya reste pour le moment peu fréquenté. Près de nous se dressent les pointes Nelion (5188 mètres) et Batian (5199 mètres), les plus hautes cimes du pays. Nous restons encore quelques minutes à admirer cette beauté de la nature, avant de faire demi-tour et d’entamer notre descente. L’euphorie, suivie de la fatigue, nous oblige à redoubler de vigilance. Nous arrivons finalement à notre refuge de Shipton, pour un petit-déjeuner bien mérité. Le grand soleil qui nous inonde nous permet d’admirer le sommet du Mont Kenya qui nous fait face…
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Jour 5 - C’est officiel, nous avons fait l'ascension du Mont Kenya

Nous pensions que nos 13 derniers kilomètres, en descente, par la voie Sirimon, seraient un parcours de santé. Mais si la première partie se fait rapidement, la seconde nous paraît interminable. Depuis la moitié du chemin, nous apercevons le dernier refuge, ligne d’arrivée de notre périple. Et nous devons encore enchaîner quelques petites montées et des passages sur des chemins marécageux avant de terminer notre route. Nous parvenons finalement au dernier refuge, avec le sentiment du devoir accompli. Une voiture nous ramène ensuite jusqu’à l’entrée du parc, où nous sommes accueillis par notre équipe. Photos, remerciements et une ultime chanson viennent clore cette fabuleuse aventure. 

Nous laissons derrière nous un Mont Kenya toujours baigné de soleil. Nous l’avons dompté, pour un temps, et le laissons désormais se faire apprivoiser par les futurs randonneurs. Comme pour ne pas se séparer trop rapidement, nous continuerons de voir ce symbole exceptionnel du pays lors de nos deux jours suivants. Notre safari à Ol Pejeta se fera avec lui, en toile de fond. Au moment de quitter ce pays magnifique, notre esprit est rempli de souvenirs inoubliables et de rencontres exceptionnelles avec des personnes d’une gentillesse incroyable. À Rebbecah, Peter, toute l’équipe, au Kenya… « Asante sana ! » (Merci beaucoup).
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Ce récit de voyage au Kenya donne un bon aperçu de l’aventure que vous pourrez y vivre. Si vous avez trouvé ce contenu inspirant, vous pouvez retrouver le texte intégral dans notre magazine BIVOUAQ. N’hésitez pas à partager autour de vous, pour faire rêver votre entourage !